La culture nous enveloppe dès l’utérus, nous protège de l’étrangeté des phénomènes du vivant et nous propose une lecture signifiante de l’humanité.
Dans son entendement le plus large, elle représente l’ensemble des faits matériels et spirituels, intellectuels, affectifs et émotionnels, conscients et inconscients qui racontent une société ou un groupe humain (social, familial…). Parfois revendiquée avec violence, souvent implicite et vécue comme « vérité » du monde, elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux du sujet, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. C’est par la culture que l’accès à l’espace symbolique est possible, seul espace de rencontre entre les humains. Ainsi sont offertes au bébé des passerelles fécondes et porteuses de sens entre le chaos tourmenté et riche du monde interne et les contraintes souvent effrayantes de la réalité. Un récit du monde devient possible porteur de langage, de métaphore, de poésie, d’humour, d’art en quelque sorte. L’humanisation du sujet se construit au sein de ces enveloppes culturelles rassurantes.
La culture, en perpétuelle mutation, accompagne les humains dans leurs mouvements de vie individuels et subjectifs et dans l’évolution du collectif. Le vivre ensemble, la rencontre avec l’autre nécessitent des repères culturels solides dans leurs fondations et mouvants dans les représentations des évolutions sociétales. Les enveloppes culturelles, sorte d’ADN identitaire du sujet doivent être suffisamment souples pour être interrogées, bousculées et laisser place aux mouvements inhérents de la vie.
Si on pense l’Art au-delà de la production d’œuvres il devient le levier majeur de la sublimation, de l’accès au symbolique. L’écriture, le théâtre, la danse, le sport, les contes, la peinture, la musique, la sculpture etc. sont autant de lectures du monde proposées par l’artiste, témoignant de l’émotionnel de son intériorité. La rencontre avec l’autre devient possible ! L’art humanise, transforme le social, raconte le monde avec un jeu partageable.
Si on pense le soin au-delà du traitement comme un espace inter individuel entre soignant/soigné où le « prendre soin » résonne tout autrement, alors l’art devient outil de rencontre et de décryptage psychique. Soigner c’est certes soulager, rassurer, protéger, mais c’est aussi envelopper et donner du sens à la douleur psychique, à la souffrance émotionnelle. C’est aider un patient à prendre ou reprendre un récit de sa vie dans lequel les événements douloureux et/ou traumatiques pourront être inscrits au sein d’un récit narratif qui aura du sens pour lui. Les pratiques artistiques ne sont pas que des défoulements cathartiques mais ce qui inscrit l’expression de la souffrance psychique même intense, dans un message partageable et partagé : parfois seule médiation pour passer du traumatisme de la barbarie qui éloigne du symbolique, au soutien et la solidarité humaine face au malheur. Dans cet entendement, le soin devient une rencontre, un échange fécond entre soignant et soigné au sein duquel ce qui se montre, s’expose, s’enrichit est l’humanité profonde de chacun. Le « prendre soin » résonne alors tout autrement, sorte d’entre-deux où se « tricote » la singularité de chacun, où les subjectivités s’interrogent, se reconnaissent parfois, se construisent.
Le prendre soin participe à la créativité artistique en ce qu’il va soutenir la sublimation des espaces meurtris dans la psyché. Dans cet entendement l’art est un soin. Dans la créativité, la beauté, l’espièglerie, la provocation, la violence parfois, l’art interroge le monde et bouscule les idéologies figées et les stéréotypes rétrécis : il est un formidable vecteur d’évolution dans le jeu
qu’il permet (au sens du jeu dans la serrure) avec ce qui écrase la réalité. L’imaginaire, l’émotionnel interrogent alors les concepts et autres savoirs posés.
Inscrire la culture et l’art au sein des attendus et autres préoccupations de l’Institut Contemporain de l’Enfance est une évidence clinique. Il s’agit de soutenir des dispositifs cliniques qui s’appuient sur des triades jeunes patients-artistes-soignants, de favoriser des rencontres au sein des institutions, de proposer des supports qui aident à colorer le monde de la psyché autrement.